« Les petites couilles de Malik » un texte sur le patriarcal dans toute sa claustrophobie!
C’était une de ces après-midi d’été où même les cigales trouvaient le temps long. D’ailleurs leur symphonie prenait un rythme plus proche d’une lamentation que d’un chant de cigales.
Jeunes filles enfermées pendant les trois mois de vacances scolaires, nous nous réfugiions dans le sommeil. Rêver, nous aidait à échapper à notre condition et à cette claustrophobie de l’enfermement. Ma pauvre mère passait son temps à essayer de nous réveiller. Désespérée, elle usait de tous les subterfuges et même des mots les plus blessants: « Qui voudrait épouser des fainéantes de votre espèce! », Nous criait-elle. Rien à faire, corps trop lourds à soulever restaient inertes face à ses commentaires. C’est seulement quand elle arrivait avec un seau d’eau que je me décidais de jouer mes dernières cartes. Je prétendais aller me laver dans la salle de bain et j’étalais ma serviette par terre pour me rendormir dans l’espoir de rêver un peu plus.
C’est que je détestais l’enfermement qu’on nous imposait. Je refusais la société où j’étais née. Je refusais que les hommes s’accaparent la rue et que nous, femmes, devenions des meubles intérieurs. J’avais envie de disposer de mon corps et de mes gestes en liberté, de regarder le ciel infini que les hauts murs de notre cour ne viennent pas découper. Je me souviens qu’un jour ou mon père qui en avait marre de mon discours de révoltée m’avait ouvert grand la porte de dehors et m’avait défié d’y aller faire mon footing.J’avais sorti ma tête de la porte et une rafale de regards d’hommes assoiffés de présence féminine m’avait immédiatement dissuadée dans mon entreprise … Ce jour la j’avais compris que même si mon père me donnait la liberté, je devais me battre contre toute ma société pour l’arracher.
Et pourtant on ne demandait pas grand-chose. Juste marcher dans la rue, sentir le soleil sur nos corps blanchi par les ombres des maisons. Il y a des femmes de mon enfance que je n’ai jamais vues marcher dans la rue. Je n arrivais même pas à les imaginer marcher seules … Justement, récemment j’ai rencontré une femme de mon village qui a atterri au Québec. Elle me disait que même quand elle marche dans les rues de Montréal, elle sent encore cette pression et cette peur atavique de toute une société qui la juge et la scrute. Son mari lui a ouvert une garderie chez elle pour s’assurer qu’elle travaille à la maison et qu’elle ne soit pas en contact avec des hommes. Les valises des immigrants ramène souvent des coutumes qui devraient êtres interdites aux douanes canadiennes tout comme les tripes et les boyaux.
Ah oui, j’oubliais, vous vous demandez tous c’est quoi ce titre, ces fameuses petites couilles de Malik. Je vous explique. On avait reçu de la visite de cousines de la ville qui sont passées par chez pour nous inviter à aller visiter de la famille. C’était pour aller de l’autre côté de la rive. Nous aimions cette marche car elle nous permettait de nous éloigner du centre du village et des regards indiscret des hommes. On se permettait même de courir dans la nature même si de telles gamineries ne doivent pas êtres « un comportement » de filles de bonne famille!
Enfin, traverser « assif » (la rivière sèche) pour des jeunes filles de mon époque, prenait une réunion de famille et un conseil des sages pour étudier les probabilités d’éventuels « qu’en dira-t-on » de toutes les tribus qui forment notre village. Je me dis que ces mentalités ont initié le lucratif marché de la presse « people » de nos jours. ….enfin, vous vous en doutez alors que nous faire accompagner d’un garçon de la famille était plus que primordial pour un tel projet.
Nous jeunes filles écervelées et assoiffées de liberté nous nous sommes alors accaparé la main de Malik, un petit de moins de 4 ans qui traînait chez nous.
Arrivées à destination, les femmes de la famille ont été outrées: Comment des jeunes filles ont osé traverser la rivière sans être accompagnées d’un homme? Notre réponse était unanime. Mais il y a Malik avec nous, c est un garçon non?
Voilà donc comment les petites couilles de Malik nous servaient de paravent pour affronter cette société d’hommes faite pour les hommes et par les hommes …mais transmise par les femmes!
Cet article a suscité beaucoup de commentaires sur FB. Je vous invite à les lire sur mon mur Facebook, il est public!
Je me dis aussi que de la conversation jaillit la réflexion
Commentaires de nos fans Facebook
Cela me valorise! j’ai toujours rêvé de servir à quelque chose! Voilà que je découvre que cela fut fait dans mon enfance. Je peux dormir tranquille maintenant!
Yahia Aouali · Ami(e) avec Madjid Zouaoui et 8 autres
Wli Wni (abénaquis), Meegweetch (algonquin et cris), Mikwetc (atikamekw), Tshinashkumitin (innu), Qujannamik (inuit), Welaliog (mi’kmaq), Nia : wan (mohawk), Chiniskomiitin (naskapis), Jiawenh (wendat) … merci quoi !
Rich J Bernhardt Bonjour Nadia,
Tu viens de dépeindre, de façon si ravissante et bouleversante à la fois, une réalité tellement innommable. C’est cette façon de faire, bien à toi, qui me charme le plus dans ton travail. Tu ne hurle pas, tu ne bafoue pas, tu ne blasphè…Voir plus…
Nadia Zouaoui Merci encore. Il m’arrive de crier fort aussi ..comme dans mon premier film justement sur le même sujet: Le Voyage de Nadia https://vimeo.com/52624630émoticône wink
Ton recit me confirme qu’il est tres dur d’etre une femme dans certaines contrees de l’Algerie. Je croyais vraiment que la femme Kabylie etait…Voir plus…
Ali Gouissem · Ami(e) avec Mohamed Tahar Messaoudi
Abdrrahmane Amaouche · 2 amis communs
Sotra Belkhir Bonjour Nadia, je te connais qu’a travers quelques lectures.Mais BRAVO NADIA, j’espere que tu liras mon commentaire .
Merci pour cet article, et ce n’est pas uniquement dans la kabylie, dans tous les coins de l’Algerie ql ya ce petit Malik, qui garde …Voir plus…
La femme doit restaurer sa valeur à part entiere.
Voila un exemple de la male comprehension, nous sommes une societé qui a regularisé le divorc…Voir plus…
Yannick Stromei · Ami(e) avec Mohamed Lotfi
J’aime tant ton style…
Tes mots rejoignent mes recherches émoticône heart
Ensuite, ce texte manque de littérature, on a l’impression d’entendre dans la rue une femme raconter à sa copine ses malheurs d’antan. …Voir plus…
Rafik Abderrahmane · Ami(e) avec Jsk Amazigh
Esma Zahzah Nadia Zouaoui je verrais bien une serie de docs. intitulées les p’tites couilles du grand Malik.
Kasmi Sadi · Ami(e) avec Sabine Challal et 2 autres
Rachid Imekhlef · Ami(e) avec Hajar Ikken et 15 autres
Rachid Imekhlef · Ami(e) avec Hajar Ikken et 15 autres
Mohamed Berrached · Ami(e) avec Abdelkrim Haouari